Derrière moi

Il y a derrière moi un soleil sans tendresse,
Des oliviers tordus, des vignes, des cailloux,
Des chemins poussiéreux où je courais sans cesse,
Des ronces, des orties qui griffaient mes genoux.
Il y a derrière moi des Noël en famille,
Des masque de Zorro, des robots, des circuits,
Quatre soldats de plomb que j'ai perdu aux billes
Et que je rêve encore de gagner aujourd'hui.

Il y a derrière moi la crainte du cartable,
Le bonheur de vacances à courir sur la mer,
Des vagues déferlant sur mes chateaux de sable,
Des tasses d'eau salée avalées de travers.
Il y a derrière moi de froids matins d'angoisse
Pour des cours de physique ou de géographie,
Le regard supérieur d'un professeur de glace
Et qui me noue encore l'estomac aujourd'hui ;

Il y a derrière moi des chaussettes qui traînent,
Une vitre brisée, un Pierrot malheureux.
Sur un portique vert, des voltiges aériennes
Des descentes affolées sur un toboggan bleu !
Il y a derrière moi qui étais bien trop tendre
Des jupes qui volaient, des jambes si jolies.
Des filles que j'avais tant de mal à comprendre
Et que je cherche encore à comprendre aujourd'hui.

Il y a derrière moi un cormoran de pierre,
Des fontaines sculptées, des rues où j'avais froid,
Le parfum du marché, le chant de la rivière,
La main de mon grand père pour diriger mes pas.
Il y a derrière moi des larmes en pagaille,
L'enfance que certains jugent avec mépris,
La rage contenue qui brûlait mes entrailles
Et que je peux laisser éclater aujourd'hui.

Il y a derrière moi des dimanches à l'Eglise,
Un crucifix greffé sur mon cerveau d'enfant,
Des prières que Dieu n'a jamais bien comprises
Ou qui se sont perdues emportées par le vent.
Il y a derrière moi un grand livre d'image,
UN jardin lumineux, une maison fleurie
Et puis cette tendresse gravée sur des visages
Qui me consolent encore quand je pleure aujourd'hui

Il y a derrière moi dans l'espace invisible
Tant de choses passées qui ont fait le présent,
Mais surtout de l'amour, cet amour infaillible
Que je viens partager avec vous... maintenant.